Marais salants de Guérande

Impossible de visiter la ville sans parler de ce qui fait sa grande réputation aujourd’hui : ses marais salants ! Le sel de Guérande est en effet reconnu à l’international pour sa qualité exceptionnelle, mettant en avant le savoir-faire français. Sa production est 100% naturelle et c’est le seul sel marin en France qui bénéficie du Label Rouge, véritable gage de son excellence. Reprenons un peu l’histoire de ces marais salants, qui produisent chaque année celui qu’on l’on surnomme l’or blanc. Le sel marin de Guérande est récolté depuis l’Age de Fer, et on sait que les Romains en avaient déjà fait une activité commerciale florissante. Mais c’est au Xe siècle que la zone prend son aspect actuel, lorsque des moines de l’abbaye de Landévennec décident de créer les salins, des installations qui permettent de récupérer le sel par évaporation naturelle dans des bassins formés à cet effet. Ils permettent ainsi à Guérande de devenir une véritable référence dans ce milieu et de développer un réseau de marais salants qui en fera sa grande réputation. Il ne faut pas oublier qu’à cette époque là, et pendant bien des siècles, ce condiment était un produit indispensable pour pouvoir conserver les aliments, en plus d’être un élément essentiel dans la composition du corps humain. Si aujourd’hui on entend beaucoup parler des risques d’une trop grande consommation, autrefois, avant l’ère industrielle, la préoccupation était plutôt inverse : de nombreuses personnes étaient en carence, ce qui était dangereux et pouvait même, dans les cas extrêmes, entraîner la mort. C’était une denrée rare et chère, utilisée à la fois pour les besoins vitaux et pour la conservation des aliments. Il a très souvent été responsable de nombreux conflits, et était même une monnaie d’échange. D’ailleurs, est-ce que vous saviez que c’est de ça que vient le mot “salaire” ?! A l’époque romaine, on donnait une ration de sel pour récompenser et payer les soldats, ou de l’argent destiné à en acheter. On l’appelait le salarium. Plus tard, au Moyen Age, on crée même un impôt dessus en France, la fameuse gabelle : chaque personne avait l’obligation d’acheter une quantité minimum de sel par an, même s’ils n’en avaient pas besoin. Et tout le stock appartenait au roi, c’est donc lui qui récupérait cet argent. Tout cela, dans le but de pouvoir financer la guerre de Cent Ans, qui sévissait à cette époque. Vous imaginez bien que tout ça  a créé des tensions et des inégalités sociales, d’autant plus que le prix du sel n’était pas forcément toujours le même en fonction du territoire, et que les nobles et le clergé, par exemple, étaient exemptés de cet impôt. Se met en place également un véritable trafic illégal de sel pour ne pas le payer, ce qui a entraîné de nombreuses condamnations et exécutions. Malgré ça, la gabelle restera en vigueur pendant de nombreux siècles, puisqu’elle est mise en place au milieu du XIVe siècle, et ne sera définitivement abolie qu’en 1790, après la Révolution française. Le sel a donc longtemps été un véritable enjeu économique et politique, symbole d’injustice. Età ce moment-là, celui de Guérande se démarque par sa grande qualité, qui lui permet d’entretenir une renommée dans tout le pays. Son emplacement stratégique lui permet aussi de se distinguer lorsque le commerce maritime se développe au cours du XVIe siècle, puisque sa production est exportée dans une grande partie de l’Europe, notamment au Royaume-Uni. Cependant, au fil du temps, et notamment à partir du XIXe siècle, la production ralentit énormément pour plusieurs raisons. D’abord, la concurrence avec le sel de méditerranée, provenant de Camargue par exemple, et avec le sel de mine, extrait des gisements souterrains, commence à lui faire de l’ombre, car leur production était industrialisée, et donc bien plus rapide et économique. On ajoute à cela l’apparition des nouvelles méthodes de conservation des aliments, avec notamment les prémices du réfrigérateur, bien sûr, qui permettaient désormais de conserver par le froid. Le sel devient alors moins rare, donc moins cher, et moins utile, ce qui a drastiquement entravé la production des marais salants de Guérande. Un bel exemple de ce que la Révolution industrielle a pu transformer dans le pays. Mais heureusement, malgré cela, les marais salants sont toujours là, et encore aujourd’hui, de nombreux paludiers, les personnes qui y travaillent, continuent de récolter le sel à la manière traditionnelle. Ils respectent le rythme des marées, du vent et du soleil, tout en préservant cet environnement exceptionnel et vieux de plusieurs millénaires. Voilà, vous savez tout sur l’histoire des marais de Guérande, qui sont d’ailleurs labellisés Site remarquable du Goût. Ne vous reste plus qu’à trouver un peu de sel à ramener dans vos valises.