Maison de Pablo Neruda

Vous avez ici, la Chascona, la troisième maison de Pablo Neruda et la seule qu’il possédait à Santiago. Chascona signifie littéralement « femme aux cheveux décoiffés », c’est un clin d’œil à la coiffure de la troisième épouse de Neruda. Le couple s’est rencontré dans le Parque Forestal voisin et s’est installé dans cette maison aujourd’hui transformée en musée dédié à la vie et à l’œuvre de Pablo Neruda.

La Chascona de son bleu vibrant, rappelant l’amour du poète pour la mer, résume à elle seul le style de vie de Bellavista et son atmosphère bohème et enivrante à laquelle on a vite fait de succomber. Mais laissez-moi juste vous présenter brièvement le célèbre poète chilien, pour ceux qui ne le connaissent pas vraiment. Déjà sachez que son vrai nom est Ricardo Eliecer Neftalí Reyes Basoalt, oui, tout ça, et qu’il a choisi son nom de plume pour rendre hommage au poète tchèque Jan Neruda, qui avait pris une part active aux luttes politiques de son temps.

Parce que Neruda est extrêmement impliqué politiquement. Il a même été proposé comme candidat à l’élection présidentielle, qu’il déclinera au profit de Salvador Allende. Parallèlement à ses écrits qu’il publie dès ses 20 ans, il mène une carrière dans la diplomatie et occupe des postes de consul en Birmanie, en Inde, à Singapour encore au Brésil. À Buenos Aires, il rencontre Federico Garcia Lorca venu donner une série de conférences et avec qui il se lie d’amitié.

Il est en poste en Espagne lorsque la guerre civile éclate et que son ami écrivain est fusillé par les troupes fascistes, certainement à cause de son homosexualité. Neruda prend alors parti pour les républicains contre les franquistes ce qui lui coûtera son poste. Relevé de ses fonctions, il part alors pour la France où il fonde avec César Vallejo, un poète péruvien, le Groupe hispano-américain de soutien à l’Espagne. De retour au Chili, il s’engage activement en politique sous la bannière du parti communiste.

Au début de la Guerre froide, le président Videla se rapproche des États-Unis et bannit le communisme du pays. Neruda, s’inspirant de Zola, fait un discours au Sénat nommé J’accuse, reprochant au gouvernement de se vendre aux États-Unis. Il est alors contraint de s’exiler. Il vit à Paris, en Pologne, en Union soviétique puis au Mexique où il publie son œuvre majeure nommée “Le Chant du Général”, un poème en 15 parties qui est autant un hymne à l’amour pour l’Amérique du Sud, ses cultures et ses luttes, qu’un cri de révolte contre les oppressions qui la ceinture.

L’œuvre est un succès et se traduit dans toutes les langues pour une publication internationale d’envergure. En 1971, il reçoit le prix Nobel de la Littérature. Après trois ans à Paris où il était l’ambassadeur du Chili, il rentre dans son pays. Mais le coup d’État de 1973 et le suicide du président Salvador Allende touchent énormément le poète qui, fatigué et affaibli par un cancer, s’éteint deux semaines plus tard dans sa maison de Santiago. La Chascona est alors pillée et ravagée, ses livres sont jetés aux flammes et ses funérailles pourtant sous haute surveillance militaire se transforment en une manifestation contre le nouveau régime.

Une vie bien mouvementée qui nous laisse une œuvre acclamée par la critique et des vers puissants et émouvants que je vous conseille de découvrir si ce n’est pas déjà le cas. En attendant, vous pouvez en apprendre un peu plus sur sa vie en visitant l’une de ses maisons, car vous croiserez aussi, si vous continuez à explorer le Chili, la Sebastiana de Valparaiso, et la Isla Negra située non pas sur une île, mais dans le petit village del Quisco sur la côte pacifique. C’est là-bas que les corps de Pablo Neruda et de sa femme, Mathilde Urrutia, ont été transférés. Leurs tombes reposent dans le jardin fleuri faisant face à l’océan qu’il aimait tant pour l’éternité. C’est là que le poète voulait être enterré.