Légende de la Gargouille de Rouen

Vous me trouvez sur la partie saillante des gouttières, généralement sculptée dans la pierre, sous l’apparence d’une figure animale ou humaine. Avez-vous deviné qui je suis ? Si c’est le cas, bravo, je suis effectivement une gargouille. Étonnantes, inquiétantes, monstrueuses, à Rouen, les gargouilles fourmillent dans les rues et sur les édifices gothiques du patrimoine. Vous en avez sur la façade de la cathédrale, sur celle de l’hôtel de Bourgtheroulde, mais aussi sur celle du Palais de justice, ici, droit devant vous.

En vous approchant, vous verrez que certaines sont vraiment singulières sous leurs airs de salamandres, de singes ou de figures mi-animales, mi-humaines. Mais pourquoi une telle adoration rouennaise pour les gargouilles ? Peut-être parce que la plus célèbre d’entre elles est celle que dompta Saint-Romain, évêque de Rouen, si l’on s’en tient à la légende. Il est dit qu’au VIe siècle, une créature anormale et cruelle, physiquement proche du dragon et du serpent, faisait régner la terreur sur les rives de la Seine, en crachant des torrents d’eau destructeurs sur les récoltes.

En plus d’avoir d’énormes crocs, la bête était également pourvue de pattes griffues qui déchiquetaient les chairs et mutilaient les corps des habitants. Les Rouennais, terrorisés, implorèrent Saint-Romain de les libérer de cette affreuse situation. Chose que l’homme de foi accepta à condition qu’ils se convertissent au christianisme et qu’une église soit construite. Finalement accompagné d’un condamné à mort, Saint-Romain dompta le monstre avec un simple signe de croix et le ramena jusque dans la cité, après lui avoir noué son étole autour du cou. Pour respecter la demande du peuple, Saint-Romain fit brûler la créature. Mais contre toute attente, la tête et le cou, eux, restèrent en parfait état.

En souvenir de cette légendaire histoire, les sculpteurs médiévaux baptisèrent les avancées de pierre des gouttières, gargouilles, de l’ancien français “goule”, autrement dit “gueule”. Et pour accentuer leur caractère mystérieux, on raconte que ces dernières, prisonnières dans la pierre en journée, prendraient vie à la tombée de la nuit. Alors, gare à vous !