Sculptures pied, pull-over, système digestif

Regarder l’horizon, voilà le type de réflexe qui nous accompagne tous quand nous nous retrouvons face à la mer ou à l’océan. Comme si nous attendions que quelque chose de précis apparaisse sous nos yeux alors que ce ne sera généralement pas le cas.

Mais une fois n’est pas coutume, ici, face à la grande plage de Saint-Nazaire, trois étranges sculptures se détachent du paysage de l’avant-port. De couleur grise et pouvant mesurer jusqu’à sept mètres de haut, un pied, un pull-over et un système digestif campent sur le sable et disparaissent à moitié lorsque la marée est à son niveau maximum.

Inaugurées en 2021, ces œuvres pour le moins étranges ont été réalisées dans le cadre de la collection “Estuaire” du Voyage à Nantes. Un bien joli nom pour désigner cet itinéraire d’art contemporain, regroupant une soixantaine de créations à découvrir sur 120 kilomètres de rives nord et sud de la Loire, entre la cité des Ducs et Saint-Nazaire.

Volontairement assorties aux couleurs de la plage et à l’architecture portuaire des lieux, les trois figures sont signées des artistes Daniel Dewar et Grégory Gicquel, anciens élèves de l’École des Beaux-Arts de Nantes, qui pratiquent la sculpture à quatre mains depuis 1998. Leur travail iconoclaste, allant à l’encontre de toute tradition, détourne les codes esthétiques classiques au profit d’une vision contemporaine subversive.
Et auprès des visiteurs, comme des habitants les premiers temps, l’effet escompté est là. Si les 3 œuvres sont effectivement audacieuses, uniques et surréalistes, elles sont aussi une vraie source d’interrogation quant à leur signification et leur emplacement à cet endroit de la cité.

D’après une pancarte placée à l’entrée de la jetée, le pied, nu et posé à plat entre la terre et la mer, rappelle celui d’un baigneur ou le fragment d’une statue antique. Le pull-over, paré de torsades, mais sans corps pour le remplir, représente le besoin universel de s’habiller. Et le système digestif, loin de faire l’unanimité auprès des passants, est considéré comme le cerveau des émotions. Il nous donnerait une image du monde invisible, “celui de nos profondeurs cachées, foyer de notre vitalité”.

En tout cas, que vous aimiez ou non, vous avez la preuve irréfutable que l’art n’a pas de limites définies !