Vivre et sentir le Fado de Coimbra

Au Portugal, on aime dire que la vie se résume généralement aux “3F”. Il y a Fatima, le Football (presque une religion à part entière) et le chant musical Fado.

Initialement musique des miséreux de Lisbonne puis des étudiants amoureux et un brin rebelle de Coimbra, le fado est une sorte de spleen inséparable du Portugal. L’essence de ce chant ancien demeure dans l’expression voire le cri d’un vague à l’âme et autres inadéquations de la vie que l’éternelle et mystérieuse “saudade” sait si bien définir.

À Lisbonne comme à Coimbra, la genèse de ce composant essentiel de l’héritage portugais est quotidiennement entretenue et défendue. Dans l’intimité et la pénombre la plus totale, le fado rassemble chanteurs, musiciens et auditeurs vers un même éclat. Celui de l’âme portugaise.

L’âme du Portugal en chanson

Le Fado : où et quand ?

Si l’on se réfère sagement à l’étymologie première du mot, le fado viendrait du latin “fatum” qui veut dire “destin”, “mort” ou “énoncé”. Oui, on est d’accord, ce n’est pas très gai tout ça ! Mais venant de l’un des chants musicaux les plus tristes au monde, il ne fallait pas s’attendre à autre chose…

Dire à quand remontent précisément les toutes premières notes de fado est un sujet très épineux. Tout simplement parce que les origines sont anciennes et, comme à chaque fois dans ce genre de situation, elles n’ont pas toujours de traces écrites. Qui plus est conservées au fil du temps. Seules quelques informations “fiables” auraient permis à une poignée d’historiens, comme Rui Vieira Nery, de retracer les débuts officiels du fado dans les années 1820-1830.

À cette période, nous sommes évidemment au Portugal et à Lisbonne plus particulièrement. Ouverte depuis toujours sur le monde, la capitale portugaise voit se confronter et se mélanger diverses cultures à tous les niveaux. Dans le registre musical, il n’en faudra pas plus au fado pour prendre racine et se faire petit à petit une place dans les quartiers populaires de celle que l’on surnomme la “ville aux 7 collines”.

Le Fado : quoi et comment ?

fado alfama

Le fado, né de la rencontre de chants de marins et de musiques afro-brésiliennes (lumdum et modhina), est au départ un genre musical marginalisé et ignoré par les intellectuels. Il résonne  dans les tavernes et les rues malfamées du Bairro Alto, Mouraria et Alfama, à travers les voix de bohèmes, courtisanes, travailleurs du port et autres figures de la classe ouvrière urbaine.

On danse, on bat, mais surtout on chante le fado avec tristesse, déchirement et sentiment de perte ou de manque dans un premier temps. C’est ce que définit à la perfection le terme “saudade”, assimilé à la nostalgie, mais pas tout à fait. Entre nous, seuls les Portugais savent réellement de quoi il est question.

Le fado est un chant qui donne de la couleur au répertoire et qui valorise énormément les performances vocales. Parmi toutes ses particularités stylistiques, il y en a une que l’on reconnait facilement. C’est l’utilisation du rubato qui se traduit par un arrêt marqué de la musique à la fin d’une phrase alors que l’artiste tient la dernière note pour un effet poignant.

instruments fado

Pour donner vie au fado, il faut rassembler plusieurs talents. Premièrement, un chanteur ou une chanteuse à grande voix et au visage très expressif que l’on appelle “fadista” en portugais. Et deuxièmement, une petite troupe de musiciens qui font sonner, en cœur ou non, leur “guitarra” (guitare portugaise à 12 cordes en forme de mandoline) et leur “violão” (guitare acoustique). Ni plus ni moins pour envoûter l’audience !

Des bas-fonds de la cité, le fado va progressivement grimper l’échelle sociale pour se faire apprécier de la bourgeoisie. Il devient plus raffiné et obtient ses titres de noblesse dans les années 1950, lorsque Amália Rodrigues, “fadista” ultra célèbre, propulse l’art du fado partout au Portugal et au-delà des frontières. L’intérêt et l’amour portés au chant national par chaque nouvelle génération sont tels que le 27 novembre 2011, l’UNESCO inscrit le fado au Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité. La pérennité du style musical est affirmée.

Fado de Lisbonne VS Fado de Coimbra

Si l’on aime parler du fado au singulier, en réalité il en existe deux variétés principales. Celui de Lisbonne au Sud et celui de Coimbra au Nord. Promis, ça ne complique pas les choses. À partir du moment où vous connaitrez les 2/3 différences qui les opposent, vous ne pourrez plus les confondre.

La Saudade de Lisbonne

Le fado de Lisbonne est le plus connu et le plus répandu. Il résonne tout spécifiquement dans les quartiers de l’Alfama, Mouraria, Bairro Alto ou encore Madragoa. Hommes comme femmes le chantent via des thématiques bien précises comme notamment les amours déçus, la séparation, la pauvreté, la perte d’un être cher… Ainsi, le cœur des spectateurs est gagné par un trop plein de “saudade”, d’amertume et de mélancolie.

Quelques titres pour vous aider à mieux cerner le fado de Lisbonne :

  • “Abandono” de Amália Rodrigues
  • “Ó gente da minha terra” de Mariza
  • “Loucura” de Lucilia do Carmo
  • “Gaivota” de Amália Rodrigues

La jeunesse estudiantine de Coimbra

À Coimbra, au nord du Portugal, le fado a catégoriquement sa résidence secondaire. Contrairement à celui de la capitale portugaise, il est là-bas exclusivement chanté par des hommes. Un détail assez discriminatoire de prime abord, mais qui au fond cache une forte histoire de tradition académique.

En effet, depuis le XVIe siècle, les étudiants universitaires ont pour habitude et plaisir de chanter dans les rues de la ville. Tous les styles musicaux sont permis jusqu’à ce que dans les années 1900, le fado occupe majoritairement le devant de la scène.

etudiants fado coimbra

Dans leur uniforme académique, composé d’un complet et d’une longue cape noire ainsi que de jambières, le chanteur seul ou accompagné de musiciens s’adonne à des sérénades ou à des textes ironiques, voire critiques. Au cours des années 60, le fado de Coimbra était un chant contestataire utilisé comme forme de résistance au régime répressif de Salazar.

Même si les sonorités du fado de Coimbra, plus cérémoniales, diffèrent de celui de Lisbonne, les instruments qui les jouent sont dans les deux cas identiques. On parle du “violão” et de la “guitarra portuguesa”, qui elle a néanmoins son propre accordage, sa propre construction et sa propre coloration sonore à Coimbra.

Quelques titres pour vous aider à mieux cerner le fado de Coimbra :

  • “Trova do vento che passa” de Adriano Correia de Oliveira
  • “Do Choupal Até Á Lapa” de Zeca (José) Afonso
  • “Balada da Despedida” de 5º Ano Jurídico 88/89
  • “O meu menino é d’Oiro” de Zeca (José) Afonso
  • “Verdes Anos” de Carlos Paredes

Où écouter du Fado à Coimbra ?

Vous êtes sur le point de faire un voyage à Coimbra et vous avez rarement, pour ne pas dire jamais, eu l’occasion d’assister à un spectacle de fado ? Autant joindre l’utile à l’agréable ! Après avoir découvert la panoplie de monuments de la plus ancienne ville universitaire du Portugal, laissez-vous transporter sur quelques notes de fado dans des adresses spécifiques où alors en des lieux moins formels, mais tout autant propices.

Les meilleurs endroits officiels pour apprécier le fado de Coimbra :

Fado ao Centro

Adresse : 7 R. Quebras Costa 

Contact : +351 239 837 060

À Capella – Casa de Fados

Adresse : Capela da Victória, R. do Corpo de Deus

Contact : +351 239 833 985

Attention, ces deux adresses sont réputées des amateurs de fado. Une réservation au préalable est plus que vivement conseillée !

Si ces 2 adresses ou d’autres, victimes de leur succès, ne sont plus en mesure de vous recevoir ou bien que le prix des spectacles vous semble trop cher, sachez que tout n’est pas encore perdu. Parfois, au coin d’une ruelle, des sérénades de fado peuvent vite résonner. Habituellement, les marches de la vieille cathédrale (Sé de Coimbra) sont réquisitionnées pour l’occasion. Alors, perdez-vous dans Coimbra et surtout tendez l’oreille !

Petit scoop !

amalia rodrigues fado

Lors d’une de ses représentations, Amália Rodrigues, “Reine du fado”, n’ayant pas vraiment de tenue adéquate à porter, serait entrée sur scène enveloppée d’un châle. Un accessoire qui l’a finalement accompagné tout au long de son incroyable carrière et que les chanteuses de fado suivantes ont adopté comme élément quasi indispensable de leur tenue de “fadista”.

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